Une récente analyse menée par une équipe de chercheurs des Hôpitaux universitaires de Genève, publiée le 12 mai 2025 dans une revue spécialisée en chirurgie pédiatrique, dresse un état des lieux inédit des initiatives de dépistage de l’atrésie des voies biliaires (BA) en Europe. Cette pathologie néonatale, rare mais grave, nécessite une intervention chirurgicale rapide pour améliorer les chances de survie. L’étude révèle une mosaïque de pratiques nationales, allant d’efforts systématisés en Suisse, en France et en Allemagne, à des projets restreints ailleurs. Face à cette fragmentation, les auteurs appellent à une mobilisation commune, en soulignant le potentiel d’outils innovants, notamment numériques, pour transformer le diagnostic précoce. L’analyse met en lumière les obstacles persistants – résistance clinique, contraintes logistiques – mais aussi des avancées prometteuses qui pourraient redéfinir les standards européens dans le dépistage des maladies hépatiques néonatales.
À retenir :
- L’Europe présente des approches très inégales face au dépistage de l’atrésie des voies biliaires chez les nouveau-nés.
- La Suisse, la France et l’Allemagne disposent de programmes nationaux ou en voie de l’être ; ailleurs, les initiatives restent ponctuelles.
- Des outils comme les cartes couleurs (SCC), l’intelligence artificielle et les applications mobiles montrent un fort potentiel pour améliorer la détection précoce.
Des stratégies de dépistage encore disparates
Les méthodes de détection de la BA varient considérablement d’un pays européen à l’autre. Trois approches principales ont été examinées : les cartes de couleur des selles (SCC), les tests de bilirubine sérique et le profilage biochimique.
- La Suisse a été pionnière avec un programme national de SCC, intégré dans les carnets de santé des nouveau-nés. Ce système a permis de réduire l’âge médian de la chirurgie.
- La France a lancé son initiative grâce à une campagne de sensibilisation portée par des familles concernées, soulignant le rôle moteur de la société civile.
- L’Allemagne a adopté récemment un usage généralisé des cartes SCC, après une phase de test à l’échelle régionale.
Dans d’autres pays, les efforts se limitent à des projets pilotes ou à des expérimentations locales, sans coordination nationale.
Les freins à une adoption généralisée
Malgré des preuves solides sur l’efficacité des outils de dépistage, leur diffusion reste freinée par différentes résistances professionnelles et contraintes organisationnelles.
- Les cartes SCC sont d’autant plus efficaces qu’elles sont accompagnées de protocoles de référence clairs. Pourtant, une partie du corps médical exprime des réticences, citant un surcroît de charge de travail et des inquiétudes sur l’impact psychologique d’un faux positif.
- Le Royaume-Uni a mené des recherches approfondies sur le dosage de la bilirubine, démontrant une excellente précision, mais n’a pas franchi le cap de l’intégration clinique en raison de coûts élevés et d’obstacles logistiques.
Ce manque d’harmonisation empêche un déploiement efficace à grande échelle, malgré des preuves convaincantes issues de la recherche.
Des innovations numériques porteuses d’espoir
De nouveaux outils technologiques viennent renforcer les capacités de dépistage, en rendant les diagnostics plus accessibles et plus fiables, tout en réduisant les coûts pour les systèmes de santé.
- En Italie, une application mobile baptisée « popòapp » utilise l’intelligence artificielle pour analyser la couleur des selles à partir de photos, facilitant l’évaluation à domicile.
- Des algorithmes d’analyse d’image assistés par IA sont également en développement pour standardiser l’évaluation visuelle par les professionnels de santé.
Ces innovations pourraient améliorer la précision du dépistage tout en le rendant plus accessible, notamment dans les zones à faible densité médicale.
Vers une stratégie européenne coordonnée
Les auteurs de l’étude plaident pour une action collective à l’échelle du continent. Ils estiment que l’Europe dispose déjà des connaissances scientifiques et des outils techniques nécessaires, mais que la volonté politique fait défaut.
- Une stratégie unifiée pourrait combiner les cartes SCC avec des technologies numériques, pour une solution peu coûteuse et à large portée.
- Les tests de bilirubine, bien que plus onéreux, offrent un complément utile pour détecter d’autres maladies hépatiques.
- Des modèles hybrides, adaptés à l’infrastructure de chaque pays, permettraient une mise en œuvre plus réaliste et plus efficace.
- Enfin, toute initiative technique doit s’accompagner d’actions de formation, de sensibilisation et de plaidoyer, pour assurer une adoption durable.
Avec une coordination accrue, l’Europe pourrait améliorer significativement le pronostic des nourrissons atteints de BA, en réduisant les retards de diagnostic et en facilitant l’accès aux soins appropriés.
La combinaison d’outils simples comme les cartes SCC, de technologies de pointe et d’un engagement politique clair pourrait permettre à l’Europe de rattraper son retard dans le dépistage des maladies hépatiques néonatales. Chaque avancée compte : une détection plus rapide sauve des vies.