Les infections pulmonaires liées à Mycobacterium abscessus sont en nette augmentation chez les patients atteints de maladies respiratoires chroniques comme la fibrose kystique et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Ces infections, souvent sévères, sont encore plus complexes lorsqu’elles sont associées à Pseudomonas aeruginosa, une bactérie fréquemment retrouvée dans les poumons fragilisés. Malgré leur fréquence, les mécanismes d’interaction entre ces deux agents pathogènes restaient jusqu’à présent largement méconnus. Une recherche conjointe menée par l’Institut de bio-ingénierie de Catalogne et l’Université autonome de Barcelone apporte un nouvel éclairage sur le rôle de la co-infection dans l’affaiblissement des défenses immunitaires et l’aggravation de la maladie. Grâce à des modèles cellulaires humains et des expériences sur l’animal, les chercheurs dévoilent comment ces deux bactéries s’associent pour former des biofilms résistants, réduisant ainsi l’efficacité des traitements et des réponses immunitaires de l’hôte.
À retenir :
- La co-infection par Mycobacterium abscessus et Pseudomonas aeruginosa affaiblit la réponse immunitaire
- Elle est fréquente chez les patients souffrant de fibrose kystique ou de BPCO
- Les deux bactéries forment ensemble un biofilm stable, plus difficile à éliminer
Une co-infection de plus en plus fréquente
Les données épidémiologiques montrent une progression notable des infections impliquant Mycobacterium abscessus, en particulier chez les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques. Cette tendance inquiète les spécialistes, notamment en raison de la fréquence des co-infections avec Pseudomonas aeruginosa.
- Entre 58 % et 78 % des patients infectés par M. abscessus présentent également une infection par P. aeruginosa.
- Ces deux bactéries sont particulièrement présentes dans les poumons fragilisés, comme ceux des patients atteints de fibrose kystique.
La présence simultanée de ces deux agents pathogènes complique le traitement et accélère le déclin de la fonction pulmonaire. Leur interaction restait cependant peu documentée jusqu’à récemment.
Une interaction bactérienne qui affaiblit l’immunité
Les chercheurs ont étudié la manière dont ces deux bactéries interagissent lorsqu’elles infectent ensemble un même organisme. Leurs observations révèlent une capacité à contourner les défenses de l’hôte.
Les expériences in vitro menées sur des cellules bronchiques humaines ont montré que la co-infection réduit significativement la production de molécules de signalisation immunitaire. Cette baisse affaiblit la réponse inflammatoire, pourtant essentielle pour combattre les infections pulmonaires chroniques.
En parallèle, l’étude a démontré que M. abscessus et P. aeruginosa s’inhibent mutuellement dans leur formation de biofilms individuels, mais forment ensemble un biofilm mixte plus stable. Ce biofilm agit comme une barrière protectrice contre les antibiotiques et les cellules immunitaires.
- Le biofilm mixte favorise la persistance de l’infection
- Il réduit l’efficacité des traitements conventionnels
- Il limite l’accès des cellules immunitaires aux bactéries
Des preuves renforcées par des modèles animaux
Pour valider leurs résultats, les scientifiques ont utilisé un modèle animal basé sur des larves de Galleria mellonella, un organisme souvent utilisé dans les recherches sur les infections.
Les résultats ont confirmé les observations cellulaires : les larves co-infectées par les deux bactéries ont succombé plus rapidement que celles infectées par une seule. Cette mortalité accrue souligne la dangerosité de la co-infection dans un organisme vivant.
- P. aeruginosa seule déclenche une réponse immunitaire intense
- En présence de M. abscessus, cette réponse est fortement atténuée
- La co-infection entraîne une immunosuppression qui favorise la progression de la maladie
La cohérence entre les résultats in vitro et in vivo renforce la validité des conclusions, mettant en lumière les mécanismes d’évasion immunitaire déployés par ces deux bactéries lorsqu’elles agissent de concert.
Vers de nouvelles approches thérapeutiques
Les implications cliniques de cette étude sont nombreuses. Les traitements actuels, principalement basés sur l’antibiothérapie, pourraient ne pas suffire à contrôler efficacement ces co-infections complexes.
Les auteurs suggèrent que de futures stratégies doivent inclure des approches capables de moduler la réponse immunitaire. En restaurant une meilleure activité des cellules de défense, ces traitements pourraient renforcer la capacité de l’organisme à éliminer les biofilms mixtes.
- Les biofilms mixtes résistent aux antibiotiques classiques
- Une modulation ciblée de l’immunité pourrait améliorer les pronostics
- Les patients atteints de fibrose kystique ou de BPCO restent les plus exposés
Comprendre les interactions entre agents pathogènes ouvre la voie à une médecine plus personnalisée, adaptée à la complexité des infections polymicrobiennes.
Cette recherche met en lumière une réalité clinique souvent négligée : les infections impliquant plusieurs agents pathogènes ne sont pas de simples additions de risques, mais des phénomènes biologiques singuliers qui nécessitent des réponses thérapeutiques spécifiques.