Face à la montée des préoccupations liées à la santé publique et à l’utilisation des fonds publics, plusieurs États américains se penchent sur des projets de loi visant à restreindre l’achat de produits jugés malsains avec les aides gouvernementales. L’Arizona, bien que freinée par un veto de sa gouverneure, a récemment été au centre de cette dynamique. Soutenu par Robert F. Kennedy Jr., secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, le débat dépasse désormais les clivages partisans et s’intègre dans une stratégie nationale portée par des organisations influentes comme la Foundation for Government Accountability (FGA). À travers une mobilisation méthodique, cette fondation conserve une influence croissante sur les politiques sociales, en particulier celles concernant le programme d’aide nutritionnelle SNAP et Medicaid. Cette évolution soulève des interrogations sur le rôle réel de l’État dans les choix alimentaires et les conditions d’accès aux prestations sociales.
À retenir :
- Plusieurs États étudient des restrictions à l’utilisation de l’aide alimentaire SNAP pour des produits jugés malsains.
- La FGA, think tank conservateur, joue un rôle moteur dans la promotion de ces réformes à l’échelle étatique.
- Des lois inspirées par la FGA ont déjà conduit à des pertes d’accès aux aides sociales dans certains États.
Une stratégie nationale pour réformer l’aide alimentaire
Alors que le débat sur la nutrition prend une dimension politique, de nouveaux projets de loi visent à limiter l’achat de produits comme les sodas ou les confiseries via les aides SNAP. Ce mouvement s’inscrit dans une volonté plus large de redéfinir les contours de l’assistance sociale.
Robert F. Kennedy Jr., récemment nommé à la tête du département fédéral de la santé, a exprimé son soutien à ces mesures, tout en annonçant une mise en œuvre progressive sur quatre ans. Malgré son appui, la gouverneure Katie Hobbs a opposé son veto au projet de loi de l’Arizona, illustrant les tensions entre niveaux de gouvernement.
En parallèle, au moins 14 États envisagent des restrictions similaires. L’Idaho et l’Utah ont déjà adopté de telles mesures, confirmant une tendance nationale influencée par des acteurs conservateurs bien organisés.
Les critiques soulignent que ces restrictions ne tiennent pas compte des réalités du terrain, notamment pour les détaillants qui devraient trier les produits éligibles, ce qui pourrait décourager leur participation au programme SNAP.
Le rôle central de la Foundation for Government Accountability
La FGA, un groupe de réflexion conservateur, orchestre activement la refonte des politiques d’assistance publique. Depuis plus d’une décennie, elle influence les législations étatiques en matière de nutrition et de couverture santé.
- Créée en 2011, la fondation a grandi rapidement, passant d’un budget initial de 60 000 $ à plus de 15 millions $ en 2023, avec une équipe de plus de 60 personnes.
- Elle bénéficie d’un financement de réseaux conservateurs influents, dont le State Policy Network, proche des frères Koch.
- La FGA élabore des projets de loi, fournit des données chiffrées et des argumentaires aux élus, et dispose d’un bras de lobbying actif dans plusieurs États.
En Idaho, au Mississippi ou en Iowa, la fondation a contribué à faire adopter des lois restreignant les aides publiques, souvent en imposant des conditions de travail ou en durcissant les critères d’éligibilité.
Des politiques contestées sur le terrain
Si la FGA affirme vouloir favoriser l’autonomie des populations, ses propositions suscitent des réactions contrastées, notamment chez les associations caritatives et les défenseurs des droits sociaux.
À l’Iowa, la mise en place de restrictions SNAP a entraîné une hausse significative de la fréquentation des banques alimentaires. Selon Annette Hacker, vice-présidente d’une grande organisation humanitaire, la demande a atteint des niveaux inédits en raison de la fin des aides fédérales liées à la pandémie et de l’augmentation des prix alimentaires.
- Au Kansas, une loi de 2015 élaborée avec la FGA a réduit de 140 000 à 90 000 le nombre de foyers bénéficiant du SNAP en six ans.
- Au Montana, malgré les efforts de la FGA, les législateurs ont rejeté un projet de loi similaire, tout en étendant le programme Medicaid, contrairement aux recommandations du groupe.
Les opposants dénoncent une complexité croissante des règles, qui finit par exclure des bénéficiaires légitimes. Karen Siebert, d’un réseau de banques alimentaires du Kansas, parle de « mort par mille coupures » pour décrire ces réformes successives.
Une influence croissante dans les États conservateurs
La FGA concentre désormais ses efforts sur des États réceptifs à ses idées. Elle y déploie une stratégie ciblée, combinant lobbying, communication et soutien législatif.
En 2023, l’organisation a produit plus de vingt vidéos mettant en avant des élus favorables à ses propositions. Elle mène aussi ses propres enquêtes d’opinion pour appuyer ses initiatives locales.
- Dans son dernier rapport, la FGA identifie 14 États-clés, dont l’Idaho, classés comme « plus rouges et meilleurs » pour promouvoir ses réformes.
- Elle y emploie plusieurs lobbyistes enregistrés, collaborant étroitement avec les législateurs pour faire avancer ses projets de loi.
Cette année, l’Idaho a adopté une nouvelle loi imposant aux bénéficiaires de Medicaid de justifier un minimum de 80 heures de travail par mois. Ce texte, soutenu par la FGA, marque une avancée significative dans sa stratégie de transformation des aides publiques.
David Lehman, représentant un consortium de prestataires de santé en Idaho, souligne que l’organisation sait exploiter l’environnement politique local : « Ils encouragent une dynamique déjà bien engagée. »
La FGA continue de gagner en influence, en s’implantant localement et en adaptant son discours selon les priorités politiques de chaque État. Sa méthode : avancer par étapes, accumuler les victoires régionales pour peser sur le débat national.
Alors que les discussions sur l’avenir des aides sociales se poursuivent, la FGA s’impose comme un acteur incontournable dans la redéfinition des politiques de protection publique aux États-Unis. Son approche, structurée et ambitieuse, redessine progressivement les contours de l’intervention sociale dans les États les plus conservateurs.